Le berger croate, figure emblématique de la culture et de l'écosystème du pays, est confronté à un avenir incertain face aux défis posés par le changement climatique. Son rôle traditionnel, lié à l'élevage ovin et à la gestion des pâturages, est aujourd'hui mis à rude épreuve par la sécheresse, les températures extrêmes et la disparition progressive des zones de pâturage.
Le berger croate et son environnement
La tradition pastorale en Croatie est profondément ancrée dans l'histoire du pays. Les bergers, appelés "pastirs" en croate, jouent un rôle essentiel dans la préservation des paysages et de la biodiversité. Ils assurent la gestion des troupeaux ovins, contribuant ainsi à la production de viande et de lait, et au maintien des écosystèmes fragiles des montagnes et des plaines.
Un lien ancestral
Depuis des siècles, les bergers croates ont développé des techniques d'élevage et de gestion des troupeaux en harmonie avec l'environnement. Ils connaissent parfaitement les routes migratoires, les sources d'eau et les ressources végétales disponibles tout au long de l'année. Les bergers ont toujours été des gardiens du paysage, contribuant à la conservation des espèces végétales et animales. Par exemple, les bergers de la région de Lika, au nord de la Croatie, ont su préserver des races ovines locales, comme la Pramenka, qui sont particulièrement adaptées aux conditions climatiques difficiles de la région. Ces races sont résistantes au froid, aux vents forts et aux terrains accidentés.
Le rôle du berger
Le berger est un métier exigeant et polyvalent. Il est responsable du bien-être des moutons, de leur alimentation, de leur santé et de leur protection contre les prédateurs. Il doit également gérer les pâturages, identifier les zones de pâturage optimales et surveiller la santé des troupeaux. En plus de son rôle d'éleveur, le berger contribue à la préservation des traditions pastorales et à la transmission de son savoir-faire aux générations futures. Un berger expérimenté peut identifier les signes d'une maladie chez un mouton, connaître les plantes toxiques pour les ovins et savoir comment gérer les troupeaux en cas de danger.
Le contexte écosystémique
Les pâturages croates abritent une biodiversité exceptionnelle, avec des espèces végétales et animales rares et précieuses. Les moutons contribuent à l'entretien des pâturages en broutant les herbes et en empêchant la prolifération des espèces végétales indésirables. Ils participent également à la dispersion des graines et à la fertilisation des sols. Les pâturages jouent un rôle essentiel dans la lutte contre l'érosion des sols, la régulation du cycle de l'eau et la conservation de la biodiversité. Par exemple, les pâturages de montagne dans les Alpes dinariques, qui s'étendent le long de la côte dalmate, abritent des espèces végétales rares et des populations de loups, d'ours et d'aigles royaux. Ces animaux dépendent des pâturages pour leur survie et leur reproduction.
Les défis actuels
Le changement climatique représente un défi majeur pour le berger croate et son environnement. Les températures moyennes augmentent, les précipitations diminuent, et les périodes de sécheresse s'allongent. Les conséquences sont multiples : diminution des ressources en eau, dégradation des pâturages, prolifération des espèces invasives et augmentation des risques d'incendies de forêt. La Croatie a enregistré une augmentation de 1,5°C de la température moyenne depuis le début du XXe siècle, et les projections montrent que ce réchauffement va se poursuivre. Les impacts du changement climatique sur l'agriculture et l'élevage sont déjà visibles.
- La sécheresse a un impact direct sur la disponibilité en eau pour les troupeaux. Le manque d'eau potable peut entraîner des problèmes de santé et une diminution de la production laitière. Par exemple, dans la région d'Istrie, au nord-ouest de la Croatie, les bergers ont constaté une diminution de 20% des ressources en eau pour leurs troupeaux durant les dernières années.
- Les températures extrêmes affectent la santé et la productivité des moutons. Ils sont plus sensibles aux coups de chaleur et aux maladies. La chaleur intense peut également entraîner une diminution de l'appétit et de l'activité physique. Par exemple, les températures estivales élevées ont augmenté le risque de coups de chaleur chez les moutons dans les régions côtières de la Croatie.
- Les invasions d'espèces exotiques, favorisées par le changement climatique, peuvent perturber l'équilibre des écosystèmes et nuire aux pâturages traditionnels. La présence de plantes invasives, comme la renouée du Japon, peut réduire la qualité des pâturages et nuire à la santé des moutons.
- L'augmentation des risques d'incendies de forêt, liés à la sécheresse et aux températures élevées, représente une menace pour les pâturages et les troupeaux. Les incendies de forêt peuvent détruire les pâturages, nuire aux moutons et affecter la qualité de l'air.
Les impacts du changement climatique sur l'élevage ovin
Le changement climatique affecte l'élevage ovin à plusieurs niveaux, impactant la santé des troupeaux, la disponibilité des ressources et les pratiques d'élevage.
Déficit hydrique
La sécheresse est un défi majeur pour les bergers. La diminution des précipitations et l'augmentation des températures entraînent une diminution des ressources en eau. Les cours d'eau et les sources d'eau traditionnelles peuvent se tarir, obligeant les bergers à trouver de nouvelles sources d'eau pour leurs troupeaux. Le manque d'eau potable peut entraîner des problèmes de santé, une diminution de la production laitière et une augmentation de la mortalité des moutons. Par exemple, les bergers du parc national de Krka, dans la région de Dalmatie, ont dû adapter leurs pratiques d'élevage en raison du manque d'eau dans les zones de pâturage. Ils utilisent des réservoirs d'eau et des systèmes d'irrigation pour garantir un accès constant à l'eau pour leurs troupeaux.
Manque de pâturages
Les pâturages traditionnels sont également affectés par la sécheresse. Les herbes et les plantes qui constituent l'alimentation des moutons sont moins abondantes et moins nutritives en période de sécheresse. La qualité des pâturages est également affectée par l'invasion d'espèces exotiques qui concurrencent les espèces végétales indigènes. La diminution de la qualité et de la quantité des pâturages peut entraîner une perte de poids et une diminution de la productivité des moutons. Par exemple, les bergers de la région de Slavonie, dans le nord-est de la Croatie, ont constaté une diminution de 30% de la surface des pâturages disponibles en raison de la sécheresse et de l'invasion d'espèces végétales exotiques.
Stress thermique
Les températures élevées peuvent entraîner un stress thermique chez les moutons. Ils sont moins actifs, moins capables de brouter et plus sensibles aux maladies. La chaleur intense peut également affecter la reproduction des moutons, entraînant une diminution du nombre d'agneaux. Par exemple, les températures estivales élevées dans la région de Dubrovnik, sur la côte adriatique, ont entraîné une augmentation du nombre de cas de stress thermique chez les moutons. Les bergers ont dû adapter leurs pratiques d'élevage pour protéger les animaux de la chaleur, en leur offrant des abris et en les abreuvant plus fréquemment.
Déplacements saisonniers
Le changement climatique modifie les conditions climatiques et oblige les bergers à adapter les routes migratoires de leurs troupeaux. Les périodes de pâturage en montagne, traditionnellement plus longues, sont réduites en raison de la fonte précoce des neiges et de la sécheresse estivale. Les bergers doivent trouver de nouveaux pâturages en altitude et adapter leurs déplacements en fonction des conditions climatiques. Par exemple, les bergers du parc national de Risnjak, dans les Alpes dinariques, ont constaté que les périodes de pâturage en altitude ont été réduites de 10% au cours des dernières années. Ils doivent désormais déplacer leurs troupeaux plus tôt en été pour trouver de nouveaux pâturages.
Maladies et parasites
Le changement climatique peut favoriser la propagation de maladies et de parasites qui affectent les moutons. Les conditions climatiques chaudes et humides peuvent créer un environnement favorable à la prolifération des parasites. De nouvelles maladies peuvent également apparaître en raison de l'arrivée d'espèces exotiques. Par exemple, la présence de tiques, qui sont favorisées par les températures chaudes et humides, a augmenté dans les régions de montagne de la Croatie. Les tiques peuvent transmettre des maladies aux moutons, comme la maladie de Lyme.
Solutions et adaptations des bergers
Face à ces défis, les bergers croates mettent en place des solutions et des adaptations pour assurer la survie de leur activité. Ils font preuve d'une grande créativité et de résilience pour s'adapter aux conditions climatiques changeantes.
Gestion de l'eau
Les bergers utilisent des techniques d'économie d'eau et d'irrigation des pâturages pour maximiser les ressources disponibles. Ils construisent des réservoirs d'eau, installent des systèmes d'irrigation et adoptent des pratiques d'abreuvement plus efficaces pour minimiser les pertes d'eau. Par exemple, dans la région de Dalmatie, les bergers ont développé des systèmes d'irrigation par goutte à goutte pour leurs pâturages. Ce système permet d'économiser l'eau et de maximiser l'utilisation des ressources disponibles.
Adaptation des pâturages
Les bergers améliorent les pâturages en utilisant des techniques d'ensemencement, de fertilisation et de gestion du pâturage. Ils introduisent également des espèces végétales résistantes à la sécheresse et aux conditions climatiques changeantes. Par exemple, les bergers du parc national de Velebit, dans les Alpes dinariques, ont introduit des espèces de graminées résistantes à la sécheresse pour améliorer la qualité des pâturages. Ces espèces ont également l'avantage de favoriser la biodiversité et de contribuer à la lutte contre l'érosion des sols.
Amélioration génétique
Les bergers sélectionnent des races ovines résistantes aux conditions climatiques changeantes. Ils privilégient des races locales, adaptées aux conditions de vie en montagne et aux températures élevées. Par exemple, les bergers de la région de Lika ont développé une race de mouton appelée la Pramenka, qui est particulièrement résistante aux conditions climatiques difficiles de la région. Cette race est connue pour sa résistance au froid, à la sécheresse et aux terrains accidentés.
Collaboration et innovation
Les bergers se rassemblent pour partager leurs connaissances et leurs expériences. Ils créent des réseaux d'entraide et des initiatives de recherche pour trouver des solutions durables aux défis du changement climatique. Ils collaborent avec des chercheurs, des institutions et des organisations pour développer de nouvelles stratégies d'adaptation. Par exemple, un groupe de bergers de la région de Dalmatie a créé une association pour partager les meilleures pratiques d'élevage ovin en période de sécheresse. Ils organisent des ateliers et des formations pour améliorer les connaissances et les compétences des bergers.
Valorisation des produits
Les bergers valorisent la viande et le lait ovins locaux pour garantir la viabilité économique de leur activité. Ils développent des produits artisanaux de qualité et promouvent la consommation de produits locaux et biologiques pour soutenir l'élevage ovin traditionnel. Par exemple, les bergers de la région de Zagorie, au nord-ouest de la Croatie, ont développé une gamme de produits laitiers ovins artisanaux, comme le fromage de brebis, le yaourt et le lait fermenté. Ces produits sont vendus sur les marchés locaux et dans les magasins spécialisés.
Le rôle des institutions et de la société
Le soutien des institutions et de la société est essentiel pour la survie du berger croate face au changement climatique. Il est important de mettre en place des politiques d'aide et de soutien pour l'élevage ovin et de sensibiliser le public à l'importance de ce métier traditionnel.
Soutien gouvernemental
Le gouvernement croate peut contribuer à la survie du berger en mettant en place des politiques d'aide et de subventions pour l'élevage ovin. Il peut également développer des programmes de formation et de recherche pour aider les bergers à s'adapter aux défis du changement climatique. Par exemple, le gouvernement croate a mis en place des programmes de subventions pour aider les bergers à améliorer leurs installations et à acheter des équipements plus performants. Ces programmes visent à améliorer la qualité de vie des bergers et à soutenir la viabilité économique de l'élevage ovin.
Sensibilisation du public
Il est important de sensibiliser le public à l'importance du pastoralisme pour l'écosystème et l'économie. Des campagnes de communication peuvent être mises en place pour promouvoir la consommation de produits ovins locaux et pour valoriser le rôle du berger dans la préservation des paysages et de la biodiversité. Par exemple, des associations et des organisations non gouvernementales organisent des événements et des festivals pour promouvoir les produits locaux et sensibiliser le public à l'importance du pastoralisme.
Consommation responsable
Les consommateurs peuvent contribuer à la survie du berger en choisissant des produits ovins locaux et biologiques. Ils peuvent également soutenir les initiatives qui visent à promouvoir l'élevage ovin traditionnel et à préserver les pâturages. Par exemple, les consommateurs peuvent privilégier les produits ovins certifiés bio et provenant d'exploitations agricoles locales. Ils peuvent également s'informer sur les conditions d'élevage et de production des produits ovins.
Le berger croate, gardien des paysages et des traditions, est confronté à des défis sans précédent. Il doit s'adapter aux conditions climatiques changeantes, trouver de nouvelles solutions et préserver son savoir-faire. Le soutien des institutions, de la société et des consommateurs est essentiel pour la survie de ce métier traditionnel et pour la préservation de la biodiversité des pâturages croates.